Les jeunes des rues

Illustration de la causerie Les jeunes des rues


Je retirais de l’argent au distributeur. À côté de moi, des jeunes s’étaient installés contre leurs sacs à dos. À leurs mises, je compris qu’ils n’avaient pas bougé de là depuis longtemps. Ils devaient être trois ou quatre ; parmi eux, une jeune fille.

Elle m’interpella : « Bonjour Madame ! Vous avez une petite pièce s’il vous plait ? » Elle n’avait pas attendu que je me tourne vers elle pour faire sa demande. Je finis de taper mon code.

– Madame ?

– Je vous ai vue, Mademoiselle, lui répondis-je tout en restant concentrée sur l’écran.

Elle éclata de rire : « Ah ! Merci ! Franchement, rien que ça, ça fait plaisir. La plupart du temps, les gens ne nous voient pas ! »

Je me tournai et la regardai en rangeant mes affaires. Elle avait une jolie bouille. Quel âge avait-elle ? De quelle origine était-elle ? Elle avait la peau brune, de longs cheveux noirs, des yeux charbon. Je repensai immédiatement au court-métrage Je pourrais être votre grand-mère. Elle continua :

– Les gens ne nous regardent pas. Nous sommes transparents. Le mépris, vous pouvez pas savoir.

– Je ne pense pas que ça soit du mépris… plutôt de la gêne. Ils sont mal à l’aise, c’est pour ça qu’ils ne vous regardent pas.

Ses amis ne participaient pas à la conversation mais s’étaient tournés vers nous. Ils nous écoutaient et me regardaient. J’étais bien habillée : j’allais travailler.

– Peut-être… Vous voyez, de temps en temps, je laisse mon sac là, aux autres, et je vais marcher. Eh bien les gens me regardent. Sans mon sac à dos, il y en a même qui me sourient. Mais dès que j’ai mon sac avec moi, alors là… c’est plus la même histoire. Ce mépris dans leur regard. Vous pouvez pas savoir.

Je restai à échanger quelques derniers mots avec elle. J’étais persuadée que les passants étaient plus mal à l’aise que méprisants. Elle ne savait pas trop. Je finis par partir. Le groupe me lança un « au revoir, Madame » enthousiaste qui me pinça le cœur.

Alors que je traversais la rue, la jeune fille m’interpella à nouveau : « Madame ! Simple curiosité… Vous faites quoi comme travail ? »

 

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