Je referme le livre. Il y aurait une seconde vie possible, qui débuterait à la prise de conscience de notre mort et consécutivement, d’un présent qui ne serait plus cet instantané coincé entre le passé et le futur, mais un présent actif, tout en longueur, qui s’écoulerait de cette prise de conscience au terme de notre existence.
Il y aurait une seconde vie possible, qui n’opposerait pas jeunesse et vieillesse, bien et mal, vérité et mensonge, réalisation et échec, qui ne s’envisagerait pas à la lumière du renoncement et de la rupture mais, investissant sur la première, se délesterait des influences passées et des choix imposés pour bifurquer. Il y aurait une seconde vie possible où un lent processus de maturation nous amènerait à nous détacher de nos vérités et ambitions passées pour les envisager autrement. Ce serait une seconde vie lumineuse parce qu’assumée.
Je mesure l’énergie dépensée à la recherche de la réussite et du bonheur, notre réaction face aux incidents de parcours, je pense à ceux qui font le deuil de leur rêve de pouvoir, de succès, de famille, d’enfants. Il y aurait une seconde vie possible, qui ne serait pas décidée mais s’imposerait d’elle-même, après décantation, sans abdication, sans nouveau départ, seulement un pas de côté, une pliure dans une feuille de papier. Et cette seconde vie deviendrait alors la première parce que la seule véritablement choisie. Je pense aux opportunités infinies qu’offre cette philosophie. Continuer, mais autrement.
Une seconde vie de François Jullien, Grasset, 2017