La petite gourmande de Pierre Lussier
L’autre jour encore. Le livre, la maison d’édition, l’auteur, étaient tout ce qu’il y a de plus honorable. Galligrasseuil l’avait pourtant laissé passer. « Un regard gourmand ». Rien que d’y penser, j’en frémis encore. Quelle est donc cette épidémie de gourmandise qui vient polluer le regard depuis quelques années ? Je l’ai encore rayé dans le dernier manuscrit que j’ai corrigé. « Tu n’aimes pas les regards gourmands, s’est étonné son auteur – Tu sais quoi ? J’en ai soupé de la gourmandise oculaire. Je la lis à toutes les sauces. Je ne serais pas étonnée que Flaubert en fasse mention dans son Dictionnaire des idées reçues. »
Nous sommes gourmands quand je trempe ma barre de chocolat dans mon infusion du soir, quand Alexis se ressert du gigot, et quand Damien ne résiste pas au plaisir de saucer son plat, quand Stéphane Rose mord dans sa tête de cochon. Pour le reste, l’expression au sens figuré m’accroche les oreille et les yeux.
« Accrocher, tu dis ? – Tais-toi où je vais te taper. »
(Peut-être aurais-je dû appeler cette causerie « De la gestion des émotions » ?)