© Clem Onojeghuo
« À la mémoire du premier venu. »
L’idée m’est venue en lisant la dédicace de Raphaël Enthoven pour son premier roman, Le temps gagné. J’ai imaginé le premier lecteur. Non pas le premier professionnel du livre qui tiendrait l’ouvrage entre ses mains et éventuellement le lirait – imprimeur, critique littéraire, attaché de presse ou libraire – mais la première personne qui, à sa sortie en librairie, l’achèterait pour le lire. Celui qui, le premier, se saisirait d’un exemplaire dormant sur une tête de gondole, le feuilleterait, en lirait quelques pages, et, y trouvant suffisamment d’intérêt, se trainerait jusqu’à la caisse et le règlerait. Celui qui, le premier, déchirerait le carton de sa commande et découvrirait, ravi, le bandeau vert de la couverture. Celui qui, le premier, à une terrasse de café, dans son lit ou sur son canapé, ouvrirait le livre dans ses premiers pages, relirait pour la énième fois sa dédicace personnelle, avant de lui briser le dos et d’en débuter la lecture.
« Voilà. C’est là. » Derrière le portail en fer forgé, une petite maison blanche aux volets bleutés. En brochette devant le portail ouvert, ils regardaient l’allée de graviers avaler le bassin et courir les quelques mètres supplémentaires jusqu’aux marches de pierre de la maison pelée.
Les Volponi, Clichy sur scène d’Aurélia Gantier
Qui était le premier lecteur ? Etait-il possible de le pister ? De remonter le temps jusqu’à lui ? Insupportable mystère à jamais irrésolu.