Changement simple, stagnation compliquée

Autoportrait au Parc Monceau - Septembre 2024

Autoportrait, Parc Monceau, Paris – © Aurelia Gantier


Y a qu’à faut qu’on. Oui mais dans la réalité, tout est plus compliqué. J’aurais bien aimé tomber sur la lampe magique, que le génie en pied de ballerine m’étouffe de ses volutes colorées, trois petits vœux exaucés et puis s’en vont, seulement dans la réalité, tout est plus compliqué.

Depuis des semaines, j’essaye de prendre soin de moi. J’ai dressé un plan en dix points tout à fait stimulant sur le papier, beaucoup moins dans la réalité. Et depuis des semaines, avec beaucoup d’énergie et d’air brassé pour rien, j’ai l’impression de stagner.

Trois pas en avant,
Trois pas en arrière,
Trois pas sur le côté,
Trois pas de l’autre côté !

Il est évident que la volonté ne suffit pas. Après une journée de boulot, lessivé, éreinté, les pupilles en soucoupe volante et les mollets dans les chaussettes, l’énergie psychique et physiologique demandée par un changement de rythme n’a aucune chance face à une bonne vieille mauvaise habitude bien installée. Il est pratiquement impossible de prendre un smartphone dans sa main sans le déverrouiller ; alors essayez seulement d’ouvrir le livre de Joan Didion version originale posé sur la table de chevet. C’est compliqué.

Et pour être tout à fait au clair, ce délai de vingt et un jours soi-disant suffisant pour intégrer un nouveau rituel, c’est une idiotie. Vous avez déjà arrêté de fumer ? Eh bien je peux vous assurer que vingt et un jours après la dernière cigarette, vous avez toujours envie de fumer. Vous pouvez rallonger le délai tant que vous voulez. Un fumeur aura toujours envie de fumer et un alcoolique toujours envie de boire, raison pour laquelle il ne peut se contenter de la sobriété. Même deux ou trois ans après le dernier verre, la dépendance tapie au fond de l’estomac attend son heure, et au moindre signe de rechute, elle lui saute à la gorge ; il est foutu.

Changer son identité ? Vous en avez de bonnes. Comment changer son identité quand on a été ce qu’on a été depuis des années ? Et puis excusez-vous, en termes de gratifications immédiates, un verre de vin, une cigarette, une tablette de chocolat devant la télé, un joint d’herbes pour ceux qui aiment, ne sera jamais égalé par une infusion, une poignée d’amandes ou une séance de yoga.

Alors forcément, après des semaines à essayer, rater, réessayer, on ne peut s’empêcher de se poser la question : pourquoi je fais ça, au fait ? Pourquoi ne pas reprendre la cigarette, faire des excès alcoolisés, fumer de l’herbe, passer ses soirées devant l’ordinateur, manger des pâtes et du chocolat ? Pourquoi, mais pourquoi ?

Je serais la spécialiste des éternels recommencements. Essayer pendant trois jours puis rechuter, recommencer, tenir une semaine puis rechuter, Recommencer. De toute façon, je sais me rassurer : comme le disait Nougaro (je cite de mémoire), Face au vice, la vertu a toujours un air couillon.