De la connologie

Magazine de Sciences Humains ouvert sur le thème de la connologie

Etude de la connologie, août 2025 – © Aurelia Gantier


« Ce qui la caractérise, c’est la persistance satisfaite et agressive dans l’erreur. Oui, il y a beaucoup de cases qu’elle peut cocher : juger sans se soucier de savoir, l’auto-aveuglement volontaire, le mépris des autres, le refus de se remettre en question etc. Ça, c’est toute une série de définitions possibles. »

J’étais tombée sur Jean-François Marmion, connologue autoproclamé, tentant une définition de la connerie sur France Inter. La semaine précédente, je m’étais confrontée à ce que j’imaginais être un véritable connard, et nécessairement, le sujet me parlait.

La persistance satisfaisante et agressive dans l’erreur, le jugement constant sans connaissance du sujet, le mépris des autres, le refus de se remettre en question… Vous me reconnaissez ? 

Il y en aurait d’autres : les stéréotypes, les biais cognitifs, les effets de groupe, la certitude que quelqu’un que je ne connais pas est plus con que moi…

Le summum de la connerie ? L’exemple donné par Sebastian Dieguez : « … et si je ne suis pas d’accord avec quelque chose, c’est bien la preuve que c’est faux… »

Le sujet vous paraît anecdotique ? Détrompez-vous. Plusieurs chercheurs se sont penchés sur la question et le magazine Sciences humaines y consacre un hors-série magnifiquement illustré par un futur candidat au prix Darwin

Le prix Darwin distingue, à titre posthume et sarcastique, les personnes s’étant supprimées de façon stupide, épargnant à l’humanité la propagation de leur patrimoine génétique. Aux États-Unis, l’un de ses brillants lauréats improvisa un casse à main armée dans une armurerie remplie de clients, dont un policier. Transformé en passoir, l’apprenti gangster terminera sa journée à la morgue, consolé par la remise de son prix amplement mérité. 

Le hors-série présente quantité d’études et de recherches sur le sujet ; à sa lecture, on devient moins con. On apprend notamment la différence entre con et connerie. Le con intégralement con, 100% atome de con, n’existe pas. « Il n’existe aucun con-étalon universellement reconnu comme tel », nous explique Jean-François Marmion. De même que l’on ne peut être intelligent tout le temps, on ne peut être con éternellement. De toute façon, l’opposé de la connerie ne serait pas l’intelligence mais la sagesse, non pas le QI mais la modération. Et la connerie serait universelle : tout le monde à un moment de son existence dit ou fait une connerie.

Si vous aussi vous avez appris que les élèves de l’ENA apprennent à disserter sur n’importe quel sujet sans connaissances approfondies, levez le doigt – méthode d’apprentissage à l’exact opposé de celle qui m’a été enseignée et qui insistait sur le fait qu’en aucun cas on ne devait s’exprimer sur un sujet que l’on ne maîtrisait pas sauf demande expresse et après avoir précisé « je ne suis pas expert dans le sujet, mais… ». 

Nous serions ainsi entourés d’exemples étonnants tels que : Elon Musk, reconnu comme visionnaire malgré ses tweets impulsifs et ses idées politiques qui lui auront fait perdre des milliards en Bourse et lui ont valu des sanctions de la SEC ; Oppenheimer, physicien brillant et père de la bombe atomique, qui le regrettera amèrement par la suite ; Oscar Wilde, écrivain brillant et reconnu mais qui perdra liberté, fortune et réputation après avoir intenté un procès pour injure homosexuelle bien qu’homosexuel lui-même (pratique à l’époque lourdement pénalisée) et le perdra. Ces personnes avaient une intelligence stratégique, artistique et scientifique exceptionnelle, mais leur orgueil, leur impulsivité ou leurs erreurs de jugement les ont poussés à commettre ce que l’on pourrait appeler… de grosses conneries. Comme quoi, tout est plus compliqué qu’il n’y paraît – et non, nous parlerons pas de Donald Trump.

Alors que la connerie peut être amusante, divertissante, voire transgressive et créative, le con, lui, fait office de nuisible. Pourtant, si nous sommes tous cons à un moment donné, pourquoi cela pose-t-il un problème ? Parce que la plupart du temps, le con est méchant et mauvais et qu’il fait du mal à soi et aux autres sans raison valable. En réalité, le con ne serait pas un problème s’il n’était gênant pour son entourage. Ainsi puisqu’il y a con et con, qu’il y aurait des degrés à la connerie, puisqu’à un moment de notre existence, nous serions tous touchés par le phénomène, vous me permettrez de privilégier les cons gentils aux cons méchants, même si moins fréquents.



En savoir plus :

Interview de Jean-François Marmion, connologue, sur France Inter

Psychologie de la connerie – Sciences Humaines – Août Septembre 2025



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