Parcours

Photo de HCB

Madrid, 1933 – © Henri Cartier-Bresson


Acte 1

Le vernissage terminé, nous nous rendons au restaurant. Un homme m’accompagne. Personne ne le connaît. Ni les propriétaires de la galerie ni les convives ni moi. Il se tenait un peu à l’écart ; intriguée, je l’ai abordé. Nous nous installons à la pizzeria de la rue de Lancry. Il est tard ; le four chauffe une dernière fois. Sur la terrasse improvisée sur le trottoir, l’invité mystère raconte son parcours. Parisien, il a quitté la France il y a des années pour la restauration. Après avoir fait un peu tous les pays, il a posé ses valises en Thaïlande, il y a maintenant neuf ans. À Koh Samui, il a deux restaurants. La crise sanitaire a temporairement mis fin à l’aventure. En attendant de retourner chez lui, il joue au serveur dans un restaurant du quartier.

A. l’écoute. Il est partagé entre fascination et abattement. Ce dernier état l’emporte : « Aurélia, on a vraiment des vies de merde. Tu vois ce coin de rue, là — il me montre le croisement avec la rue Yves Toudic. Eh bien ce coin, cela fait vingt ans que je le vois et qu’il ne bouge pas. C’est toujours le même coin. — Ce qu’il faudrait… », lui dis-je. Il me coupe : « Ce qu’il faudrait c’est se barrer d’ici et le rejoindre à Koh Samui ».


Acte 2

Je me rends au musée Carnavalet pour l’exposition « Henri Cartier-Bresson – Revoir Paris ». Petite déjà, j’écoutais mon père m’expliquer le génie de son œil géométrique. Je m’émeus devant la série prise pendant la Libération de Paris ; je ne la connaissais pas. Un peu plus loin, j’écoute la voix douce et paisible du photographe. Henri Cartier-Bresson a vécu en Inde et en Chine, il a photographié la mort de Ghandi, l’avènement de la République populaire et la guerre d’Espagne. Toute sa vie, il a cherché à capter les transitions politiques et sociales. « L’idée, explique-t-il, c’est d’être au bon endroit au bon moment. »


Acte 3

Je prends mon petit-déjeuner. La fenêtre grande ouverte laisse transpercer le bleu moutonneux du ciel. Sur la table basse, traîne La vie en rose, un cadeau qui me suit depuis des années. Je l’ouvre au hasard. « Si tout était possible, que changeriez-vous à votre vie ? Trouvez au moins trois idées. »



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