© Aurelia Gantier – Pont Henri-IV, incendie de Notre-Dame
Lundi soir, 21 heures. Je pédalais boulevard Saint-Germain. J’avais décidé de ne pas me laisser troubler. Le vélo filait et je me disais, ne pas y penser, ne pas y penser, ne pas y penser. Malheureusement, j’ai tourné la tête au mauvais moment. Je le savais pourtant qu’il fallait rester concentrée sur la route. Mais les ondes étaient trop fortes, elles m’ont happée. J’ai tourné la tête et Notre-Dame m’est apparu, une décalcomanie noire sur un fond de flammes qui rient. Il était trop tard : l’image de la cathédrale en feu s’est imprimée sur ma rétine.
J’en avais plein le dos de tous ces malheurs : Nasrin Sotoudeh condamnée à 38 ans de prison et 148 coups de fouet pour avoir défendu le droit des femmes, le populisme politique, les réseaux sociaux carrément-méchants-jamais-contents, les déceptions personnelles, les destructions hebdomadaires de la ville que j’aime ; partout la méchanceté et la connerie ; et maintenant Notre-Dame qui brûle. J’étais cernée. Dimanche, cette amie qui me reprochait d’écrire sombre, mais comment faire autrement ?
Je roulais boulevard Saint-Germain. Les ponts étaient fermés à la circulation, envahis par la foule des Parisiens et des touristes. Ça faisait bizarre, j’avais l’impression qu’ils regardaient une attraction. Et moi qui prenais des photos. Sur les réseaux sociaux, j’ai posté une photo de voitures de flics qui bloquaient le boulevard Saint-Michel avec en commentaire : je saigne, tout le temps. Puis je me suis dit, dans trois jours tu es à Édimbourg, tiens bon, dans trois jours tu es à Édimbourg.