L’esprit de Noël

Père Noël par Aurelia Gantier

© Aurelia Gantier


Emmitouflée dans mon manteau de laine, mitaines et cache-nez, les oreilles sous le bonnet, je déambule à travers les rues bondées du Marais. Je me garderai bien d’être trop critique envers ce temple de la consommation aujourd’hui. Les pauses fréquentes dans les magasins réchauffent mes pieds gelés ; et puis c’est bientôt Noël. Je ne râlerai pas, je ne critiquerai pas, je ne tournerai pas l’étiquette pour me rassurer sur la provenance des vêtements, je ne penserai pas à l’impact environnemental, rien. Cela fait si longtemps que la magie de Noël ne m’avait pas gagnée, je ne vais pas la gâcher aujourd’hui. Ravie à l’idée d’offrir des présents inutiles et décevants, je croise la liste des noms et les objets mentalement scannés ; correspondance, acte d’achat. « Je vous fais un paquet-cadeau. » La formule est affirmative, pas de doute possible. Oui, vous me faites un paquet-cadeau. Qui viendrait s’engouffrer ici quinze jours avant Noël dans le cas contraire ?

Je me souviens d’une BD de Frank Margerin où la bande d’amis décidait de se réunir pour ne pas fêter Noël et se trouvait entrainer dans la préparation d’un réveillon on ne peut plus traditionnel. Ces dernières années, j’ai vécu des fêtes de fin d’année à la Margerin. Je ne fêtais pas Noël, mais je le fêtais quand même. Cette année, j’assume : je fête Noël.

Je rentre chez moi les bras chargés de paquets. Je suis impatiente de me poser ; j’ai froid et les pieds palmés. La pêche a été bonne. Pour me récompenser, je m’achète une crêpe et remonte la rue de la Roquette. Devant le Monop’, une ombre grise se penche sur moi. Je sursaute. C’est une dame, une vielle dame – mais l’est-elle vraiment ? Elle traine avec elle ses effets dans des cabas. Une clocharde. Elle a saigné du nez et du sang sèche sur sa lèvre supérieure. « Excusez-moi, vous avez un euro ? » Elle prend la pièce d’un mouvement sec et se tourne vers l’entrée du magasin. « Merci. »

La magie de Noël.

Je vais peut-être retourner les étiquettes des vêtements finalement.