Pahoa Mahagafanau – © : Tevahitua – Ora Concept
Car à la résurrection, les hommes ne prendront point de femmes ni ces femmes de maris, mais ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel.
(Matthieu 22 : 30)
Il y a quelques semaines, j’ai vu Pacifiction, tourment sur les îles d’Albert Serra avec Benoît Magimel et Shannah, de son vrai nom Pahoa Mahagafanau. Pahoa est une femme dans un corps d’homme, comme cette autre femme [dans un corps d’homme] qui jouait l’amante de Jacques Dutronc dans Embrassez qui vous voudrez de Michel Blanc et dont le nom m’échappe. La même douceur, la même ultra-féminité, la même présence rassurante – Shannah torse nu, de dos, les bras croisés sur son absente poitrine.
J’utilise l’expression « femme dans un corps d’homme » à dessein. Je connais les transfemmes, un de mes proches est l’une d’elles ; ici c’est autre chose. Il n’est question ni d’hormone ni de chirurgie, mais d’un corps d’homme habité par un esprit féminin. Depuis l’éternité des jours. Les mots et les revendications politiques importent moins qu’une façon d’être et de diffuser autour de soi douceur, beauté, calme et écoute. Ces femmes ne s’apparentent ni aux hommes ni aux femmes ni à tout ce qui se trouve entre les deux sur l’échelle du genre. Je les regarde, je les cherche, non par curiosité mais pour me rapprocher de la source et percer le mystère. Je leur associe des mots tels que chamane, ange, énergie, spiritualité. Elles m’apaisent.
À Tahiti, les Mahu sont des personnes du troisième genre, ni masculin ni féminin. Elles peuvent se marier, avoir des enfants et toutes sortes d’activités associées à l’homme comme à la femme. Leur rôle est autant spirituel que social. À des années et des milliers de kilomètres de là, l’Inde védique célébrait ses hijras, des transfemmes au caractère sacré affectées à certaines fonctions comme le culte religieux, l’éducation des enfants ou la prostitution ; et dans bon nombre de cultures primaires, la fonction de chamane était associée à l’ambivalence.
Ces exemples questionnent notre vision de l’autre en sa qualité d’être normé. Est-il possible que notre culture chrétienne et patriarchale ait gommé cette possibilité d’être autre chose ? La spiritualité est indiscutablement non-sexuée. Ces femmes nous permettraient-elles d’ouvrir notre regard sur la société et les rapports humains ? Et paradoxalement, ne nous aideraient-elles pas à redecouvrir des caractéristiques dites genrées, telles que douceur, féminité ou encore puissance corporelle ?