Formule IV – La retraite des femmes

Illustration de la causerie Formule IV - La retraite des femmes


Depuis des mois, les médias nous endorment le cerveau avec la réforme des retraites. Autour de moi, personne n’en parle pas : on parle des grèves. Il faut dire que depuis mes vingt ans, c’est un sujet récurrent. Aux mêmes maux les mêmes remèdes, projet de loi, grèves, retrait du projet de loi, et ça tous les dix ans depuis trente ans. On commence à être habitués ; la réforme des retraites nous laisse froids. Cette année cependant, une variante s’est introduite dans le discours : c’est la retraite des femmes.


Pour certaines générations, 1980 par exemple, on passe même du simple au double : les femmes devront partir en moyenne huit mois plus tard contre quatre pour les hommes. En cause : celles qui pouvaient partir dès 62 ans à taux plein grâce aux trimestres acquis lors de la naissance de leurs enfants devront désormais attendre l’âge légal, deux ans de plus pour partir. Beaucoup de femmes en l’occurrence sont dans ce cas : selon la Drees, en 2020, 123 000 femmes ont ainsi pu partir à la retraite dès 62 ans avec tous les trimestres requis. 


Depuis des semaines, j’entends l’impact délétère de la réforme sur la retraite des femmes. Et plus les semaines passent, plus je m’agace.


Réforme des retraites : pour les femmes, des mesures à double tranchant



J’ai mis du temps à comprendre ce que ces discours réveillaient chez moi.


En cause : celles qui pouvaient partir dès 62 ans à taux plein grâce aux trimestres acquis lors de la naissance de leurs enfants devront désormais attendre l’âge légal, deux ans de plus pour partir.


Je ne conteste ni valide la réforme – pour tout dire, je m’y suis à peine intéressée. C’est la formulation qui me gêne : femme comme synonyme de mère de famille.


Réforme des retraites : les femmes sont-elles les grandes perdantes du projet du gouvernement ?


Depuis cinquante ans, soixante peut-être, certaines femmes ont milité pour créer entre la fille/femme et la mère/femme une troisième catégorie : la femme/femme. Une femme qui a le droit de désirer, et d’être désirer, de s’amuser, de travailler, indépendamment de son statut de génitrice ou de mère de famille. Je suis une femme/femme.


D’autres mesures, mises en avant par le gouvernement, permettront à certaines femmes de partir plus tôt en retraite. Par exemple, la prise en compte des congés parentaux dans le dispositif carrières longues permettra de valider jusqu’à quatre trimestres pour une personne ayant commencé à travailler avant vingt ans.


Aujourd’hui, environ 13,5 % des Françaises nées en 1965 sont sans enfant, 18 % des Européennes. Concrètement, près d’une Européenne sur cinq n’a pas d’enfant. Vous me direz qu’il y en a plus de quatre sur cinq qui en ont. Certes.


Réforme des retraites : pour les femmes, des mesures à double tranchant

« Les femmes, pour atteindre leur durée de cotisation, utilisent notamment des trimestres validés par enfant », a rappelé le ministre chargé des relations avec le Parlement, Franck Riester, lundi soir sur Public Sénat. En effet, « en tant que mère, quatre trimestres supplémentaires vous sont accordés pour chaque enfant, pour compenser les effets sur votre retraite du congé de maternité pendant lequel vous ne cotisez plus à la retraite », peut-on lire sur le site Service-public.fr.


Et si on reformulait ?


Réforme des retraites : pour les mères de famille, des mesures à double tranchant

« Les mères de famille, pour atteindre leur durée de cotisation, utilisent des trimestres validés par enfant », a rappelé le ministre chargé des relations avec le Parlement, Franck Riester, lundi soir sur Public Sénat. En effet, « en tant que mère, quatre trimestres supplémentaires vous sont accordés pour chaque enfant, pour compenser les effets sur votre retraite du congé de maternité pendant lequel vous ne cotisez plus à la retraite », peut-on lire sur le site Service-public.fr


Est-ce si compliqué ?

Si une femme est une mère de famille et si je ne n’ai pas d’enfant, je ne suis pas une femme ; sachant que je ne suis ni un homme ni un animal, qui suis-je ?

J’aimerais qu’à l’avenir la société valorise davantage le statut de femme/femme qui est le mien. Une femme est un être appartenant au sexe féminin, non une génitrice. En tant que non-mère, je ne suis pas concernée par la « réforme concernant le statut des femmes ». Pourtant, il me semble avoir largement participé au développement économique, culturel et social de mon pays : j’ai été membre d’Amnesty International, j’ai cofondé une association humanitaire pour l’émancipation des femmes justement, j’ai créé une maison d’édition, j’ai écrit, édité une vingtaine de titres, j’ai travaillé dans la finance, dans l’immobilier, et aujourd’hui je suis à nouveau entrepreneur ; je prends des risques, j’embauche, j’ai des partenaires. Il me semble qu’à ce jour, je n’ai pas démérité : peut-être mériterais-je le statut de femme, qu’en pensez-vous ? Et si à l’avenir, on arrêtait de confondre femme et mère de famille ?