© Robert Ruggiero
(Notez la marque du pluriel entre parenthèses qui n’a pas attendu l’écriture inclusive pour exister.)
À 19 ans, je refusais d’intégrer l’une des meilleures classes préparatoires de Paris pour l’université. Si j’avais fait le choix contraire, ma vie en aurait-elle été transformée ? Probablement pas.
À 24 ans, je choisissais une situation pépère dans une banque allemande plutôt que les réveils bien trop matinaux que m’imposait une salle de marché. Si j’avais fait le choix contraire, ma vie en aurait-elle été transformée ? Probablement pas.
En revanche, refuser de publier les Volponi dans une maison d’édition suisse pour créer la mienne m’a fait bifurquer de chemin ; de même que quitter mon poste salarié pour l’entreprenariat. Pas de grands bouleversements, non, mais une bifurcation dont les effets peuvent encore se faire sentir aujourd’hui. D’un autre côté, il manque la distance : qu’est-ce que deux ans versus deux décennies ?
Des choix.
Si j’avais accepté de rejoindre ce Turc rencontré en vacances à Bodrum et dont j’étais tombée follement amoureuse, chez lui, à Ankara, est-ce que ma vie en aurait été changée ? Probablement, s’il avait réussi à me ferrer. Mais voilà, mes amies s’y étaient fortement opposées et j’avais suivi leur conseil, je n’y étais pas allée.
Si j’avais accepté ce rendez-vous avec les gérants de l’agence de mannequin Les petites, est-ce que ma vie aurait changé ? Probablement pas. De même qu’elle n’aurait pas changé si j’avais accepté de coucher avec le neveu du président syrien ou l’héritier d’une des plus grandes fortunes françaises : je ne suis pas faite de ce bois-là.
Depuis que j’ai l’âge d’en faire, mes choix de vie semblent cohérents. « Tu regrettes ? » Non, je ne regrette pas, je ne regrette rien. Dans la période de grand trouble que je vis, à quelques semaines de choix déterminants traînant dans leurs sillages le sentiment que ma vie en dépend, c’est plutôt rassurant. Et quand la tempête émotionnelle me prend, je me dis, tu ne t’es jamais trompée, regarde, détends-toi, ton instinct ne t’a jamais trompée, pourquoi le ferait-il pour la première fois ?