La trajectoire de l’oeuf

La poule et l'oeuf

© Alison Burrell


À trois semaines du printemps et du retour des bourgeons et des mues, un homme renaît de son cadavre ensanglanté. Les plaies cicatrisées et la tunique propre, il monte s’assoir à la droite de son père. Trois jours auparavant, sa misère humaine et sa mère en larmes ont été portées en procession dans les ruelles, les pleureuses pleuraient, et d’annnée en année, an après an, les fidèles jouent à ne pas savoir qu’au troisième jour, le grand tour, la résurrection, tout ça, et tous les ans ça recommence. Et après avoir joué à se faire peur, on ne joue plus, car le printemps est là, et c’en est fini du carême, on en avait soupé du poisson, vive le chocolat ; on est heureux et c’est normal, c’est le printemps. Vive les jours qui rallongent et les températures qui montent, tu partes où en vacances – quoi, ça n’a rien à voir, et pourquoi pas ?

Dans les églises, on fête la résurrection de l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ; après avoir gobé sa version plate et sèche, légèrement collante au palais, les fidèles s’apprêtent à dévorer sa version en gigot ; en accompagnement, des haricots – peut-on être végétarien et catholique, c’était juste une question, comme ça.

Dans leur joie immense et l’euphorie générale, les cloches se mettent à danser – depuis trois jours, elles en étaient empêchées ; elles se décrochent et dansent dans la lumière vive du printemps. Elles vont diffuser la bonne nouvelle dans les campagnes, et elles chantent, et elles dansent, et elles pondent des œufs de vie, des œufs partout, dans toutes les maisons et tous les jardins, des œufs durs et des œufs peints, des œufs en chocolat – connaissez-vous les campanare siciliens, ces œufs durs enserrés dans des biscuits ? Partout les oeufs, les poissons et les lapins, partout la vie et la lumières qui jaillit. C’est le printemps, Pâques est déjà là.


Joyeuses Pâques à vous tous.