J’attendais à l’accueil du rez-de-chaussée, pas vraiment rassurée. Il était en retard – non mais s’il a oublié, ce n’est pas grave : on peut tout aussi bien annuler. Je me dégonflais.
Je l’avais contacté après avoir terminé son livre. Les deux derniers mots étaient sans équivoque : à suivre. La vengeance du loup de Patrick Poivre d’Arvor s’inscrivait dans la lignée des feuilletons littéraires. Comme Les Volponi.
Mon attachée de presse suit Richard Joffo, inventeur de la littérature vidéo et auteur de Talion aiguille, un thriller à épisodes. Ma saga volponienne comporte plusieurs tomes, comme celle d’Elena Ferrante. Pierre Lemaitre a trouvé une suite à son Goncourt, Harold Cobert en a écrit une à Bel-Ami. L’idée n’est pas nouvelle : Joanne Rowling a connu le succès que l’on sait dès 1997 avec Harry Potter et Djian s’est lui aussi essayé aux séries dix ans plus tard avec Doggy Bag. Les feuilletons littéraires ont de nouveau la cote.
Créé vers la moitié du XIXe siècle, le feuilleton a longtemps été considéré comme une sous-production littéraire ; Balzac, Dumas et Dickens s’y sont pourtant essayés. Dans La vengeance du loup, je retrouvais un petit esprit XIXe. Ça tombe bien : PPDA aime les écrivains du XIXe. Charles a les ambitions d’un Georges Duroy ou d’un Julien Sorel, seulement il n’est plus question de femmes mais de père – les histoires de filiation deviendraient-elles elles aussi à la mode ?
C’est de ça dont je voulais lui parler, de ça et d’autres choses ; de moi, notamment. Et je l’attendais, plus vraiment très sûre de ma démarche, assise sur un canapé.
PPDA est grand – c’est impressionnant un grand journaliste face à une petite écrivaine ; et il sait vous mettre en confiance : il s’est assis à mes côtés, derrière le bureau. Mais il est également drôle, agréable, enthousiaste et, comme moi, passionné d’histoires.
Notre entrevue a duré trente minutes.
– J’ai eu votre adresse mail lorsque vous avez accusé réception de mon livre, ai-je commencé. Sur près de soixante-dix envois, seules deux personnes en ont accusé réception : Elisabeth Badinter et vous.
– Notez que je suis bien accompagné.
Sur le retour des feuilletons littéraires, nous étions d’accord sur l’essentiel. Les séries télévisées, qui elles-mêmes utilisaient le principe des feuilletons du XIXe, les avaient remis au goût du jour. Grâce à elles, la différence entre grande littérature et littérature populaire s’estompait. Nous sortions d’une littérature nombriliste qui n’intéresse souvent que celui qui l’écrit pour se centrer sur le plaisir du lecteur : son attachement à une histoire, un personnage, son envie de retrouver un monde connu. Pour nous, c’était une bonne nouvelle : j’ai toujours eu du mal à refermer un livre qui me plait. PPDA s’inquiétait aussi de la taille de certains pavés : « Il faut penser au lecteur ». L’essentiel.
Avant de nous quitter, nous avons parlé du blog, de la maison d’édition, du premier volume des Volponi qu’il lirait – « Il y a trop de points communs entre nos deux ouvrages pour ne pas le lire ». Il m’a encouragée à la patience et à la détermination. En partant, il m’a expliqué que sa série serait finie avant la mienne : « Je n’ai que deux volumes, vous en avez trois ».
PPDA, un agréable dandy littéraire.
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