C’est vrai, c’est agaçant à la fin !
J’en ai parlé à D. l’autre soir. J’étais vexée. « J’ai rencontré un type qui te ressemble dans son rapport aux femmes. — Qu’est-ce que j’ai fait encore ? »
J’ai rencontré ce type à une galette des rois. Des miettes sur les genoux et la bouche pâteuse, nous avons papoté tout l’après-midi, c’était plutôt sympa. Le type aussi je l’ai trouvé sympa, alors je l’ai dit à mon ami, et mon ami, avec son tact habituel, le lui a répété, Aurélia t’a trouvé sympa, je crois bien qu’il lui a dit comme ça, et d’après ce qu’il m’en a rapporté, lui aussi m’avait trouvée sympa ; nous étions donc tous les deux sympas — vous me suivez toujours ?
Quelques jours plus tard, mon ami organisait une nouvelle rencontre, puis une autre, en fin d’après-midi un samedi. Je l’ai donc revu. Je crois qu’il me plaisait bien. Comme il ne bougeait pas, j’ai pris les choses en main. Je lui ai donné mon numéro de téléphone et lui ai demandé de m’appeler : nous habitons le même quartier. Et effectivement, dès le lendemain, il m’envoyait un message pour organiser une soirée cinéma. Je faisais des bonds sur place, tout le monde était au courant de ma sortie.
« Et alors ? — Ben rien. On est allé au cinéma, on a dîné dans un restaurant japonais, et voilà. C’était sympa. »
Vous ne me voyez pas bien mais là je fais la soupe à la grimace. Rien à avoir avec la soirée, effectivement très bien, mais je m’attendais à un peu plus de chaleur de sa part. J’ai bien fait mon numéro pourtant, mais pas une paupière n’a frémi. Pourtant par la suite, il m’a rappelée, plusieurs fois, et je l’ai rappelé aussi, on s’est revu, tous les deux en tête-à-tête — c’est-y pas mignon tout ça ?
À chaque fois, le même résultat. On ne se quitte pas de la soirée, il me ramène chez moi, à mon vélo ou à mon taxi, ça dépend des cas. Quelles que soient les personnes présentes, je serai la seule qu’il raccompagnera ; il ne me laissera pas seule dans la rue : il m’ouvrira la porte du taxi, attendra que j’ai tiré le grand portail de l’immeuble derrière moi pour partir.
« Et puis ? »
Et puis rien.
« Et alors ? C’est quoi le problème ? En quoi cela me regarde ? »
Je crois qu’il ne veut pas. A mon avis, D., ce type est comme toi : il a des amitiés féminines. Il m’aime bien, il aime passer du temps avec moi, mais il ne m’aime pas. Et lorsque je réfléchis, j’ai beaucoup d’amis garçons moi aussi, mes rapports avec les garçons sont souvent plus simples qu’avec les femmes et autour de moi, j’ai plein de types comme ça, qui ont des amies hyper sympas, qu’ils aiment bien, mais pas plus que ça.
En ce qui le concerne, il me semble pourtant que ce soit un peu plus complexe. Entre nous, je note une distance, une tension peu compatible avec l’amitié. Il me semble que tout cela a plutôt à voir avec le désir. Il veut, et il ne veut pas. Ou plutôt il ne veut pas, mais il ne sait pas s’il ne voudra pas un peu plus tard. Ou il ne veut pas mais il a compris que je voulais et comme il apprécie ma compagnie, il fait comme s’il ne le voyait pas. Ou alors il veut mais il n’ose pas — non ça ne marche pas, je n’ai jamais cru à la timidité dans ce genre d’affaires. Ou alors…
Tu ne veux pas que je prenne une feuille de papier plutôt et qu’on dessine un arbre de décision, d’un côté il veut, de l’autre il ne veut pas, et…
Et juste on ne va pas se prendre la tête là tout de suite, et puis on a dit pas de suppositions, tu te souviens, alors on va plutôt aller se prendre une bière et attendre bien sagement qu’il rappelle, et on verra bien, si cette fois, il veut, ou il veut pas.
Et puis, toi, tu veux ou tu veux pas ? Parce que ce n’est pas bien clair ton histoire.
Et en bonus, un petit plaisir !