© Adli Wahid
On le disait depuis des années : les violences conjugales sont un fléau, en France, une femme meurt sous les coups de son compagnon tous les deux jours, certaines personnes ne devraient pas faire d’enfants ; les services publics à vocation culturelle, éducative, sanitaire et sociale n’ont aucun intérêt économique immédiat mais n’en sont pas moins essentiels au bon déroulement démocratique, la médecine préventive n’est pas en option ; une personne sur dix n’a pas accès à l’eau potable, 11% de la population mondiale est sous-alimentée, 70% sans protection sociale. On le disait pourtant que c’était important, que cela n’avait rien à voir avec la bonne conscience, que derrière les statistiques, il y avait des hommes, des femmes, des enfants et des vieillards ; que les militants n’étaient pas des bobos bien-pensants mais des êtres humains préoccupés par la survie d’autres êtres humains, qu’il n’était pas question de charité mais de solidarité, qu’un plus un faisaient une multitude, et qu’ensemble on était toujours plus forts et toujours moins cons que seul dans son salon. Et voilà qu’aujourd’hui, on découvre l’intérêt des droits humains et des politiques de développement. Ça m’énerve. Oups ! On a peut-être raté quelque chose. Sans blague.
Allez demander à un Pakistanais qui travaille et dort dans la rue pour se payer son unique repas quotidien de se confiner ou à un gamin des bidonvilles de bien se laver les mains ; imaginez mourir d’insuffisance respiratoire sur la mauvaise couchette d’un camp de réfugiés. Certains parlent de sélection naturelle, d’un remède imparable aux problèmes des retraites et de la surpopulation mondiale. Comme chez les animaux, où la mère abandonne le plus faible à la naissance. Je ne suis pas un animal. Il existe tout de même des moyens moins violents que la sélection naturelle : la contraception par exemple. Et puis, vous me faites marrer avec votre sélection naturelle. Voudriez-vous voir ses effets sur la survie de votre mère ou votre grand-mère ? Cela ne vous fait pas rire ? Moi non plus, je ne voulais pas être drôle.
De temps en temps, le découragement me prend. Nous sommes en souffrance, c’est certain. Mais que dire de ce que s’apprêtent à vivre les pays en développement ? Nous comprenons aujourd’hui ce que signifie mondialisation. Nous sommes reliés les uns aux autres. Ce qui se passe ici a un impact là-bas, ce qui se passe là-bas se ressentira jusqu’à chez moi. Si les pays pauvres souffrent, nous souffrirons par ricochet, c’est certain.
Alors bien sûr, en ce moment, nous avons une pensée pour tous ces êtres fabuleux qui nous aident au quotidien, personnel de santé, éboueurs, employés des hypermarchés, livreurs, chauffeurs routiers… Mais il y a aussi les autres, les militants associatifs qui aident depuis des années : ceux qui s’occupent de l’éducation de vos enfants, de la situation des sans-papiers qui travaillent dans vos restaurants, qui donnent la soupe populaire, rendent visite aux seniors isolés, ceux-là non plus on ne les oublie pas. Et on les rejoint dans leur combat. La B.A. quotidienne n’a pas été inventée que pour les scouts. Si l’on commençait déjà par sourire derrière son écharpe au supermarché ?