Glacial

Les toits de Paris de ma fenêtre

Home cocon, les toits de Paris – © Aurelia Gantier, janvier 2024


L’hiver, il ne fait jamais très chaud dans cet appartement, si charmant sous ses toits de zinc nous protégeant de la chaleur l’hiver et de la fraicheur l’été ; par grand froid, j’enfile même un deuxième pull. Mais ce soir, c’est particulièrement notable. Je dors tout habillée, j’ai rajouté une couverture sur la couette et le couvre-lit et j’ai encore froid. Et puis ça souffle fort. Du vent était-il prévu ? Entre deux somnolences, en boule sous la couette, je note les morsures inhabituelles. Certes, il ne fait jamais très chaud dans le home cocon électrique, mais tout de même. La nuit est pénible ; je tourne et surveille le réveil ; pourtant, la fatigue me cloue au lit et je ne lève pas. Plus vexant, Swann ne dort pas à mes côtés mais dans le salon. De temps à autre, je l’appelle. Polie, elle saute sur le lit, me gratifie de deux trois câlins de tête puis retourne de l’autre côté de l’appartement. Je reste seule et frigorifiée. J’ai froid.

Le réveil finit par sonner. Je suis de méchante humeur. J’ai mal dormi. J’attrape mon téléphone, j’allume ma lampe de chevet, je regarde le rideau bouger. C’est assez étrange. L’été, souvent, il danse devant la fenêtre entrouverte, mais l’hiver ! À quoi pense-t-il ? Je me lève.

Il pense qu’il a froid. Il pense qu’il a passé la nuit à tremper dans la neige. Car dehors, les toits étincellent, de même que le chambranle de la fenêtre : la neige a tout envahi, jusqu’au radiateur.

La fenêtre s’est ouverte dans la nuit.

Je tente de la refermer mais la glace s’est solidifiée. Il faudrait un couteau, une pelle, et tandis que je pense cuisine, ustensiles dans la cuisine, mouvement, je peine à réaliser les crocs gelés plantés dans mes chevilles : je baigne dans une flaque d’eau glacée. Si je n’étais pas de mauvaise humeur, cela pourrait être risible. Je pars râler dans la cuisine quand je réalise…

Plus de 3 000 personnes sans solution d’hébergement ont probablement dormi sur les trottoirs de la Ville Lumière cette nuit. Comme hier, comme demain. Les maraudes ont-elles réussi à les rapatrier au chaud ? Il y a peu de chance.

Alors oui, la fenêtre s’est ouverte dans la nuit et la chambre est verglassée, mais armée d’un couteau et d’une pelle, j’ai réussi à dégager le chambranle et à la refermer, et le radiateur va bien finir par sécher. Mais eux ?


En 2023, plus de 3 000 personnes dormaient dans les rues parisiennes dont 400 enfants. Sur le numéro d’urgence du Samu Social, 7 500 demandes d’hébergement d’urgence ; parmi elles, 1 personne sur 3 serait mineure.


Quelques maraudes parisiennes (parfois les bons sentiments ne suffisent pas, sortez votre carte bancaire)

Le Secours Populaire de Paris

Emmaüs Solidarité

Le Samu Social de Paris




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