Des sourires

Le chat d'Alice au Pays des Merveilles - Disney

Le chat du Cheshire – Alice au Pays des Merveilles


New York, septembre 2022. À l’aéroport déjà, alors que je patientais dans la file des taxis, épuisée du trajet depuis Paris, qui du fait du décalage horaire semblait compter double, l’étrange phénomène s’était produit : une Américaine m’avait souri. Je m’étais inquiétée : quelque chose était-il tombé dans mes cheveux qui rendait mon visage amusant ? J’avais répondu à son sourire, tout en fouillant d’une main discrète mon cuir chevelu. Seulement plus tard, le même phénomène – et je m’étais lavé les cheveux depuis : dans la rue, les gens me saluaient. En plein Manhattan. Je ne les connaissais pas, ils ne me connaissaient pas, aucune tentative d’approche, rien. On se croisait, ils me saluaient, puis me dépassaient. Première explication : les New-Yorkais sont sympas ; la seconde : c’est moi qui ai l’air sympa. Sympa ou pas, je ne suis pas très douée pour les sourires – que voulez-vous, je suis Parisienne, j’ai bien peu l’occasion de pratiquer.

York, novembre 2025. Belote, rebelote : dans la rue, des inconnus me sourient. Je suis totalement désarmée. Le summum du ridicule est atteint à la maison Mansion. Deux jeunes hommes à la caisse, le caissier, l’ami du caissier. Can I pay by cash?Sure. D’une main, je fouille dans mon sac à la recherche du portefeuille tout en tenant de l’autre mon téléphone. Les deux jeunes hommes exhibent leurs dents, que ce n’est pas possible d’en avoir autant, on croirait le chat de Cheshire. Je pêche mon téléphone. Leurs sourires me désarment. I am afraid the torch on your phone is on. Je sursaute, renverse le portefeuille, les pièces tombent par terre. Éclats de rire.

Paris, novembre 2025. Le phénomène continue. Dans la rue, les gens me sourient. Pas d’inquiétude, il ne s’agit pas de Parisiens : un caissier, deux Anglais à la terrasse d’un café… que des étrangers. Des étrangers de Paris.

Depuis, j’ai réfléchi. Le Parisien ne sourit pas, il agresse – il suffit de traverser la ville un matin à l’heure de pointe pour s’en convaincre. On n’est pas obligé de suivre le mauvais exemple, seulement voilà : on ne me l’a pas appris. Ma famille m’avait interdit de parler aux inconnus, alors vous imaginez sourire. C’était donc réglé. Plus tard, mal dans ma peau et d’une timidité maladive, j’ai davantage cultivé l’intériorité et l’agressivité. Il m’aura fallu des années pour accepter le contact. Aujourd’hui, tout est différent. Je regarde autour de moi, la ville, le mouvement, je suis heureuse, je me souris. Alors oui, peut-être m’arrive-t-il de sourire, sans même m’en rendre compte, de regarder et sourire ; et les gens de me sourire en retour. Vais-je réussir à contaminer Paris ?



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