© Terrance Barksdale
C’était là. À quelques mètres de la place Sainte-Catherine, en plein coeur du Marais, la meilleure herboristerie CBD de Paris, ou encore, selon les dires d’un magazine spécialisé, « le meilleur shop d’Europe ». Le magasin exhibait fièrement sa devanture noire entre un hôtel de charme et un magasin de prêt-à-porter.
– Je ne suis pas très woke, #metoo, écriture inclusive et cancel culture, tu comprends ?
– C’est surtout qu’en ce moment, il y a quand même plus important.
T. poussa la porte vitrée et s’effaça pour me laisser passer. Deux vendeurs, deux clients. Des touristes américains, vraissemblablement. L’âge du couple m’interpella. Que faisaient-ils donc là ?
Le plus jeune des vendeurs nous adressa un sourire vivifiant. Sur le comptoir, des joints préroulés vendus à l’unité.
– Alors voilà, commença T., mon amie ne connait pas le HHC et je me suis dit que vous lui expliqueriez mieux que moi. Elle a déjà fumé du CBD, elle connaît déjà.
– Alors que le CBD n’a pas d’effets psychotropes, le HHC si, plus légers que le THC mais tout de même. Sur une échelle, ce serait entre le CBD et le THC.
– Ce que je ne comprends pas, c’est que le HHC soit autorisé si effet il y a. Pourquoi n’est-il pas interdit ?, demandai-je.
– Pourquoi n’est-il pas encore interdit, vous voulez dire. La molécule n’est pas encore répertoriée mais quand elle le sera, dans un an, six mois, soyez certaine que ce sera le cas.
Pendant que T. se renseignait sur les différentes variétés – « C’est quoi, la trim ? – L’invendable, le non retenu à la récolte, le fond du paquet si vous voulez. Pas assez beau pour la vente, mais tout à fait fumable en deux fois moins cher. » -, je me désinteressais des emplettes et furetais dans le magasin : « Tiens, vous avez un rayon bouquins ».
Le vendeur nous expliqua les vertus thérapeutiques du CBD que nous connaissions déjà. Il souhaitait probablement nous faire basculer du HHC, mauvais garçon, au CBD, gendre idéal : oui, le HHC, la défonce légale, tout ça, mais le CBD était utilisé à des fins thérapeutiques, dans des traitements anti-douleurs, contre les effets de chimiothérapétie et contre l’insomnie ; tenez par exemple, cette grand-mère… Il tentait un exercice de crédibilité tout à fait inutile dans notre cas. « Dans les bouquins par exemple, celui là, il est terrible ». Sur la couverture, une vieille dame fumait un joint. « Très instructif sur les effets thérapeutiques du cannabis. » T. le recentra sur le HHC, le vendeur abdiqua.
– Vous pouvez tricher ? demandai-je.
– Je ne comprends pas.
– Les plantations, elles sont à vous, n’est-ce pas ?
Il m’expliqua le traitement d’une plante de cannabis pour en extraire le CBD et le HHC sans THC. C’était technique, un vrai travail de chimiste. T. rajouta les contrôles de police. Tous insistaient sur l’aspect légal et réglementé.
Nous sommes repartis avec un petit sachet de têtes vertes fluo dans les mains.
– On va chez toi, me demanda T. ?
– Oui, on va faire comme ça.
J’ai décroché mon vélo et nous avons marché à ses côtés, tous les trois sur le trottoir.
– Le réchauffement climatique, cela te faire peur, m’a-t-il demandé ?
– Nous serons morts avant.
– C’est vrai.
Et nous avons continué à rouler.