L’enveloppe

Billets


C’est une matinée froide et humide. Des cumulus gris argent plombent le ciel. Décidément, le joli mois de mai se la joue automnal.

Pleuvra ? Pleuvra pas ? J’hésite : faut-il tenter le vélo ou supporter le métro ? Dans la cour, je me hâte lentement et opte pour la pause-café sur les bords de Seine : vélo.

Je suis courbée en deux sur l’antivol, empêtrée dans les bicyclettes, quand je le vois arriver. « Madame Gantier ! » Que notre gardien remplaçant ait si rapidement intégré le nom des cent cinquante occupants de la copropriété m’étonne. « Madame Gantier ! J’ai un courrier pour vous. Enfin… je pense que c’est pour vous. » Il me tend une enveloppe adressée à Madame Ganter – il manque le « i » –, légère comme une enveloppe vide. Je l’ouvre à moitié, le gardien au piquet devant moi : « Prenez votre temps. » Elle contient un chèque ; son montant à cinq chiffres me saute au visage. Bigre ! Le chèque est là, entre mes doigts, envoyé par une bijouterie du 16ème arrondissement à Madame Ganter. Il n’est pas pour moi, il ne peut pas être pour moi : je ne connais pas cette boutique et n’attends rien de tel, de qui que ce soit. Un mouvement du gardien me ramène à lui. Je lui rends l’enveloppe :

– Cette enveloppe n’est pas pour moi.

– Vous en êtes sûre ?

– Certaine.

Puis, hésitante : « Cette enveloppe contient un chèque d’un montant que j’aimerais bien encaisser mais que je n’attends pas. » L’homme est perplexe : « Qu’est-ce que j’en fais ? »

Sur mon vélo, je pense au chèque abandonné au gardien. La veille, je mettais à la disposition de la maison d’édition la même somme à l’euro près, somme que je n’ai évidemment pas sur mon compte. J’ai confiance en ma bonne étoile : d’ici le déblocage des fonds, l’argent viendra.

Drôle de coïncidence : je reçois un chèque, mais je ne peux pas l’encaisser. Est-ce un signe ? Si c’est le cas, je peine à l’interpréter. Mon optimisme me force à croire au soutien de l’univers : patience, me dit-il, la fortune viendra. J’attends.