Dans une semaine, nos amis les Anglais choisiront de quitter ou de rester dans l’Union européenne. L’idée d’une Europe amputée d’un de ses membres m’est profondément désagréable. Une Europe sans Royaume-Uni, c’est un corps sans main gauche. On peut vivre sans, on vit mieux avec. Le Brexit redessine les contours d’un continent européen tronqué, diminué.
Ma vision n’est en rien économique : elle est romantique. Je veux pouvoir me rendre à Londres quand il me chante, que les adolescents puissent continuer à ne pas apprendre l’anglais dans les familles des faubourgs, manger du poulet et des pommes de terre à tous les repas, apprendre à boire de la bière et acheter des fruits au marché de Brixton pour compenser. Je veux que les petits Français apprennent nos conflits passés, l’invasion de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, la Guerre de Cent Ans, Waterloo — mon amie anglaise qui avait été mise en quarantaine par nos camarades de classe quand ils ont appris que Jeanne d’Arc avait été brûlée par les Anglais. Je veux me souvenir du rôle de l’Angleterre pendant la Seconde Guerre mondiale, me rappeler que cette Europe de l’après-guerre, c’est un peu la sienne. Je veux croire en la possibilité d’une Europe politique et culturelle, et comme ce 9 novembre 2014 à Berlin, à l’occasion des commémorations des 25 ans de la chute du mur, me sentir européenne, et en être fière.
Jeudi 23 juin, puisse une majorité d’Anglais penser comme moi.