Quelque part

Vélo pour Alex Azabache

Tulum, Mexique – © Alex Azabache


J’ai reçu des nouvelles de Y. Il répondait à une courte missive envoyée l’avant-veille, à l’heure où les rêves prennent le pas sur la réalité. Je lui parlais de sa beauté et j’essayais de condenser ma vie en quelques lignes que je trouvais tristes à pleurer. Ta vie manque d’envergure.

Sa réponse fut plus fournie que la mienne. Il m’expliquait ses voyages, ses projets, son quotidien, ses échappées. Il était retourné vivre au Mexique, n’avait pas encore lu Clichy sur scène mais avait dévoré Genèse tunisienne sur les plages d’Acapulco. Pour la première fois, il me parlait de sa vie privée, ombre qui flottait comme une épée de Damoclès sur nos têtes et que l’on faisait mine de ne pas remarquer. Il nommait sa femme comme si je l’avais quittée la veille, comme si je la connaissais ; il m’annonçait également qu’il allait devenir papa, et pour être tout à fait honnête, je pensais que c’était déjà le cas.

Ces nouvelles m’apportèrent une grande joie. Je comprenais enfin ce que signifiait « remercier le ciel de ce qui nous a été donné ». Y et moi avions partagé une tranche de vie, l’une des plus belles de mon existence, non pas parce que lui, mais parce que lui et moi ; puis nos chemins s’étaient dissociés, non pas parce que lui, mais parce que lui et moi. Nous ne nous étions pas quittés, je le comprenais enfin, je ne l’avais pas perdu : je l’avais reçu dans ma vie et il en faisait toujours partie. Je le gardais dans mon cœur ; quelque part au-delà de l’océan, il brillait comme un soleil et m’inspirait. Nous vivions sous les mêmes cieux, à des milliers de kilomètres l’un de l’autre, dans des vies qui ne se ressemblaient plus mais dont les circonvolutions parfois se rejoignaient. Je prenais mon petit déjeuner face au ciel écrasant de lumière, le même sous lequel sa femme et lui dormaient. Et pour la première fois, cette image ne m’était pas douloureuse. Je m’étais débarrassée des entraves du passé, je m’envolais.

J’ai acheté cet hiver une boite à trésors sans jamais réussir à rien n’y cacher et elle trônait depuis, désespèrent vide, dans mon salon. « Voilà mon premier trésor. » J’ai glissé le mail dans la boite couleur de jade. J’était prête à commencer une nouvelle journée.



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *