Bip mortel – mes talents de bricoleuse

Crying Girl, 1963 – © Roy Lichtenstein Foundation


Une lumière blafarde se faufile à travers la porte, entrouverte sur la journée qui vient. C’est l’heure : Swann s’approche nonchalamment de mon radeau ventripotent. Elle s’installe. Les pattes posées sur ma poitrine, elle me lance un regard perçant-clignotant. C’est l’heure. N’ai-je pas compris ? Bientôt, elle approchera son coussinet droit de mon visage et BBBBBBIIIIIIPPPPPP !!!!!!!!

Un bip strident surgit de nulle part, gigantesque, aigüe, insupportablement crissant. Swann sursaute, je sursaute. Déjà, le chat s’est carapaté à l’autre bout de l’appartement. Mais qu’est-ce que c’est que ça ? En tailleur sur le lit, je furète autour du plafond. D’où vient ce bruit ? Le réveil sonne ; le rab est terminé. Je me lève, vais chercher la brosse et BBBBBBIIIIIIPPPPPP !!!!!!!! Cette fois dans le salon, nous sursautons sans fuir et Swann vaillamment me suit. Nous initions une danse synchronisée dans la pièce, le nez collé au plafond. BBBBBBIIIIIIPPPPPP !!!!!!!!

L’appartement bipe. Toutes les dix minutes, un bip, long, strident, volume au maximum. Swann commence à s’énerver. Ses yeux dorés me fixent, mécontents ; un sursaut toutes les dix minutes, un miaulement de plus en plus constant. « Je ne sais pas ce que c’est, ma biche. »

Je me décide à un tour complet de l’appartement. Je scrute partout, méthodiquement. Le chauffe-eau, l’armoire électrique, le réfrigérateur, le congélateur, les plaques, le four (?), j’ai même démêlé les fils autour de la fibre. Rien à faire : l’appartement continue de biper. Après plusieurs tours BBBBBBIIIIIIPPPPPP !!!!!!!!, Swann sur les talons cherchant à concurrencer ces cris de l’espace par des miaulements autrement plus rassurants mais tout aussi crispants, je réalise que je suis totalement incapable de déterminer d’où vient le bruit. Sûrement pas des toilettes ni de la salle de bains. De la chambre ? Peut-être bien de la chambre, mais rien à biper par là. J’ai reniflé toutes les plinthes, tous les interrupteurs, toutes les prises. Rien. L’appartement continue de biper et je ne peux me résoudre à le laisser biper tranquille. Swann râle maintenant franchement. Miaulements incessants. Elle jouit mal de l’ambiance fin de règne. Va-t-on mourir ? 

J’attrape mon téléphone. Je ne sais pas trop comment formuler la question, je me sens conne. Google Search. « L’appartement bipe ». Enter.

Et la lumière fut. Alléluia. Sur un blog de bricolage, une dame demande : « La chambre des enfants bipe depuis hier soir, va-t-on mourir ? » S’en suit une flopée de commentaires bienveillants et moqueurs. « Ce n’est que la pile du détecteur de fumée à changer. » « Prendre une échelle, monter jusqu’au détecteur de fumée, retirer le couvercle, retirer la pile… »

Voilà. Vous saurez pour la prochaine fois.




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