Le libraire

Illustration de la causerie Le Libraire


C’est une drôle de librairie et un drôle de libraire : il ne vend que ce qu’il aime. « Cela ne doit pas être bien grand. » Non, c’est tout petit. Il m’a fait penser à toi, qui n’écris que sur les livres qui te plaisent. C’est agréable dans ces temps de grande violence et de critique permanente et j’ai posté cette citation de Tolstoï sur les réseaux sociaux : « Je considère tout jugement non seulement comme inutile, mais encore comme immoral. »

C’est un drôle de libraire et une drôle de librairie, de la taille de ma chambre, à peine plus grande. L’endroit ressemble plus à une studette qu’à une librairie : derrière un comptoir, un bureau et un évier. Sur les murs immaculés, des étagères de bois clairs, quelques livres. « Il ne doit pas y en avoir beaucoup ». Non. Il y a peu de nouveautés : il faut laisser le temps au libraire de lire et d’aimer. Il ne prend ni commande, ni carte bleue et note les ventes sur un cahier au crayon de papier. « Il est quand même bizarre, ton libraire. » Et il y a autre chose : elle est moins souvent ouverte que fermée, seulement quatre après-midis par semaine, mais elle fait nocturne jusqu’à vingt-et-une heures les jeudis et les vendredis.

Ce drôle de bonhomme m’avait contactée par mail pour me proposer l’organisation de soirées littéraires : « si vous êtes intéressée, vous pouvez passer ». À ce stade, je n’étais intéressée par rien. Je ne crois ni au dépôt-vente, ni à l’organisation d’une troisième signature sur un même ouvrage. Et puis j’avais fouillé sur le net et je n’avais rien trouvé, ni sur la librairie, ni sur le libraire. Mais je valorise les rencontres et les démarches spontanées, alors je suis passée. Je suis allée lui rendre visite un soir en semaine. J’étais sceptique et volontairement, je n’avais pas pris de livres.

Je me suis assise à son bureau, lui sur un tabouret à mes côtés. Autour de moi, de jolies images dansaient sur un fond jazzy. J’étais bien. Dans cette librairie, tous les livres semblent avoir une égale importance. Tous sont également visibles et également beaux, car pour chacun d’entre eux, le libraire a pris le temps de choisir sa collection préférée. Cette librairie lilliputienne, perdue dans une rue minuscule du 14e arrondissement, respire le calme et la tranquillité. J’ai commencé à voir les choses autrement.

« On avait dit pas de nouvelles signatures. » Je sais, mais l’endroit est agréable. Et puis ce libraire, qui préserve ses matinées, ne cède pas aux sirènes de la productivité et partage ses lectures plus qu’il les vend me plait. Des types comme lui, ça détend. Le lendemain, je suis passée déposer un livre : tout commence par là. Et j’ai attendu.




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