L’échange de Paul Claudel – Commentaire de texte

L’échange de Paul Claudel – Photographie : Pascal Gely


Le Désir flirte avec les Affaires. Mais les Affaires s’ennuient. Fascinées par la pureté de la Norme, elles souhaiteraient la posséder elle aussi. Le Désir reluque la Liberté, les Affaires la Norme. Mais cette dernière est mariée à la Liberté et ce n’est pas près de changer.

Aparté. Est-ce le Désir ou la Création, la Norme ou la Soumission ? Peu importe : la Liberté reste la Liberté, un homme pauvre, rêveur et exalté, les Affaires restent les Affaires, un homme accompli et déterminé, et pas si riche que l’on pourrait le penser. Côté femmes, la Norme apprécie peu le Désir, femme fatale, exubérante et fabulatrice, actrice, et le Désir ne la respecte pas davantage. Rien d’anormal : l’une est attraction, l’autre racine.


Dans votre vie à vous, rien n’arrive. Rien qui aille d’un bout à l’autre. Rien ne commence, rien ne finit. Ça vaut la peine d’aller au théâtre pour voir quelque chose qui arrive. Vous entendez ! Qui arrive pour de bon ! Qui commence et qui finisse.


Se peut-il que la Liberté se soit à ce point fourvoyée dans les griffes du mariage ? Les Affaires lui ouvrent les yeux et la soudoient en lui offrant une forte somme d’argent pour débarrasser le plancher. La Liberté s’exécute mais laisse l’argent. Sa femme souffre, mais échouant à le retenir, elle le laisse partir. Elle en veut aux Affaires.


Pourquoi avez-vous faire cela ? Pourquoi êtes-vous venu vous mettre entre nous, séparant le mari de la femme ? Est-ce que cela est bien ? Que vous avions-nous fait ? N’en aviez-vous assez à vous, sans envier le bonheur des pauvres gens ?


Après que la Norme ait rassuré les Affaires – Il y a plusieurs choses que j’aime en vous –, après que le Désir se soit tapé la Liberté et la Liberté envolée – se pouvait-il autre chose, le Désir sans Liberté et la Liberté sans entraves –, le Désir, sans raison apparente, brûle la maison des Affaires. Pendant ce temps, la Liberté ne pouvant diriger le cheval, s’est tuée.

Le Désir est ivre, la Liberté est morte, les Affaires ruinées. Seule la Norme se demeure fidèle en veuve stoïque et douloureuse. On peut supposer que les Affaires s’en remettront, de même que le Désir continuera de susciter désir et fascination. De même que la Norme. Mais la Liberté ? Elle est tombée.


L’échange de Paul Claudel au Théâtre de Poche Montparnasse – Direction : Philippe Tesson
Mise en scène : Didier Long
Avec Pauline BELLE, Mathilde BISSON, François DEBLOCK, Wallerand DENORMANDIE