La petite fille qui danse

Nadia Vadori Gauthier



Je déjeunais à une terrasse de café avec une amie. À quelques mètres de nous, une petite fille dansait. Sa mère la surveillait du coin de l’œil, adossée à une vitrine. La petite fille interprétait une chorégraphie assez contemporaine et très inspirée. Elle ne dansait pas pour sa mère, qui la regardait à peine, et il n’y avait pas de musique pour supporter la danse. La petite fille dansait donc pour elle-même et pour des raisons qui lui étaient personnelles.

Tout en discutant avec mon amie, je la regardais. Elle me faisait envie. J’ai finalement dit : « Regarde cette petite fille comme elle danse. J’aimerais qu’on puisse faire comme elle, et danser dans la rue, comme ça, sans raison. Nous avons perdu notre part d’enfance. » La maman m’a entendue :

– Nous aurions l’air sacrément ridicule.

– Peut-être. Il n’empêche que votre fille a une insouciance et une fraîcheur que nous avons perdues.

Mon amie semblait trouver mes propos aussi farfelus que la mère.

J’ai repensé à ce déjeuner quelques jours plus tard, un matin. À la radio, une journaliste parlait de Nadia Vadori-Gauthier. Nadia est une chorégraphe franco-canadienne qui a commencé à danser en janvier 2015, comme acte de résistance poétique aux attentats de Charlie Hebdo. Sans support musical, elle choisit un endroit dans Paris et danse une minute par jour, tous les jours.

Visiter le site de Nadia

J’ai immédiatement repensé à la petite fille. Les artistes ! Voilà ceux qui ont gardé leur âme d’enfant que nous autres adultes avons perdue ! Sinon, comment choisir une vie à danser, chanter, peindre, dessiner ou sculpter ? L’idée ne m’est pas parue si stupide.

Il est vrai que le cas de Nadia Vadori-Gauthier est un peu différent. Nadia réalise une performance artistique. Ce qui m’intéressait dans la petite fille, c’était l’acte gratuit. Mais cette performance m’a rappelé cette envie de la rejoindre et la honte qui m’en avait empêchée. Je me suis promise de réaliser mon rêve un de ces jours et de trouver des amis pour m’accompagner. Leur proposer de danser dans la rue, comme ça, en journée, sans raison ni béquille alcoolisée. Juste pour retrouver notre âme d’enfant. Je suis certaine d’y gagner en légèreté.



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