© Aurelia Gantier
2017 fut une année intense. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle m’a passablement chamboulée. J’ai arrêté de fumer, trop bu, trop mangé, grossi. J’ai connu des entorses à répétition tout l’été, une opération de la cheville, la crainte que les jambes ne s’en remettent. J’ai souffert d’un moment dépressif, paniqué, pleuré. Immobilisée sept semaines, je me suis reprise, et j’ai crié, râlé, reprisé, jeté. Je me suis perdue puis retrouvée. Je débutai le mois de novembre par un programme de rééducation-reconstruction. Arrivée en décembre, j’étais épuisée.
Simple convention temporelle, le premier janvier ne signifie rien. Pourtant, comme la rentrée de septembre ou le mois de son anniversaire, ces points d’étape balisent l’année. On regarde devant, on regarde derrière, on réajuste la position, on continue. Le réajustement, je l’avais commencé des semaines auparavant. 2018 serait plus enthousiaste — je m’en étais fait la promesse — mais j’avais besoin de changer d’air et de vivre ses premières secondes dans le meilleur des environnements possibles. Je savais bien où le trouver.
Je suis partie en Italie, dans un ancien relais de chasse perdu dans la montagne. J’y ai retrouvé le froid mordant de décembre, le soleil d’hiver et la lumière bleue ; j’ai bu du vin près d’un feu de cheminée sur un fond d’électro-jazz, entourée d’amis rares et précieux. J’écrivais le matin sur la table de pierre, après que les chats aient grimpé jusqu’à mon grenier pour venir me réveiller. Les voisins passaient nous saluer. La cuisine s’en trouvait rétrécie. Pas de reine de la nuit ici. Chaussures de randonnée aux pieds et blouson matelassé sur le dos, de la boue jusqu’aux genoux et le sourire franc, on privilégiait les tenues simples et confortables. Debout autour de la table de la cuisine, les hommes buvaient de la grappa pendant que G. préparait un gâteau au chocolat duquel elle avait supprimé le beurre et le sucre dans un souci de véganisme — « mais G., il va être immangeable ! » Et les journées passaient, sans rien faire de grand mais en jouissant petit, perfusion régulière nécessaire de vie — parler du panettone et des nuits étoilées.
Le réveillon arriva. On improvisa une soirée dans la cabane. Tous apportèrent à manger et à boire, et on mangea bien, et on but comme il faut, et on joua, on chanta et on dansa. À minuit, P. tira les cartes, et on dansa de nouveau. Les couples étaient beaux, même les personnes cassées étaient belles, et tous dansaient. Le lendemain, après une longue promenade dans les bois, nous sommes retournés dans la cabane. P. projetait une comédie italienne, et là, allongée sur le ventre, un coussin coincé sous le menton, je me disais que c’était très exactement le break dont j’avais rêvé pour commencer l’année en beauté.