Place de la République, Paris, 5 mars 2022 – © Aurelia Gantier
J’ai scruté ses frontières – la Russie, la Biélorussie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Moldavie ; j’ai compté les pays qui nous séparent d’elle : deux en passant par l’Allemagne et la Pologne, trois en passant un peu plus bas – Allemagne, République tchèque, Slovaquie ou encore Allemagne, Autriche, Hongrie. 2 000 km à vol d’oiseau entre Paris et Kiev – un aller-retour Lille Marseille. Longtemps, j’ai étudié la carte de l’Ukraine. Un vaste territoire de 600 000 km² et 44 millions d’habitants – moins aujourd’hui et encore moins demain, vraisemblablement.
Je me suis demandé ce que je connaissais d’elle. Pas grand chose. Son passé russe, l’occupation soviétique, un costume folklorique, les Femen. Samedi, alors que nous errions place de la République, désemparés et inutiles, au milieu de 16 000 personnes aussi désemparées que nous, mais c’était beau – « Tant que des milliers de personnes se regrouperont pour défendre la liberté d’un peuple, nous ne sommes pas tout à fait perdus », disais-je – A. m’expliquait les liens entre nos deux agricultures et la présence de céréaliers de la Beauce dans ce pays à la fois si proche et si lointain.
J’ai mieux regardé. Irène Némirovsky et Vassili Grossman ne me sont bien sûr pas inconnus, de même que Serge Prokofiev et Zino Davidoff – mais sont-ils russes ou ukrainiens ? Pourquoi est-ce que j’en connais si peu ? Et plus généralement, pourquoi ma connaissance des anciens pays du bloc soviétique est-elle si maigre ? Ma curiosité s’est-elle arrêtée aux frontières ? Ou sommes-nous tous responsables d’un manque d’intérêt pour l’Est ?
Soudain, l’histoire frappe à notre porte, nous nous retournons et nous réalisons l’Europe d’il y a cent ans. Peut-être est-ce l’occasion de découvrir de drôles d’expressions telles que diffusion culturelle, diversité culturelle, voire même enrichissement culturel. Et une nouvelle façon de penser le monde, autant dire, la vie.