À cinq ans, la main dans la main de mon père, sur la plage de Morgat en contrebas de l’hôtel familial, à quelques rangées du large escalier qui s’écoule dans la mer ; une chasse à marée basse à la recherche de crabes et de coquillages, son œil exercé, le petit crustacé bleu et transparent à mes pieds écorchés, poudrés de rose et de blanc.
À quinze ans dans le froid glacé des tempêtes de neige, mon amie et moi dans le centre-ville d’une station de montagne version poupée ; le stand de crêpes, « sucre ou Grand Marnier ? », les tartes aux noix et les tartes aux myrtilles, petits becs sucrés ; les flocons posés sur les cils, le photographe et son appareil photo de géant, la photo en noir et blanc ; notre jeunesse immortalisée.
À vingt-cinq ans, mes premières vacances en solitaire à Bali ; mon arrivée à Ubud à la recherche d’un cybercafé ; mon premier souvenir de l’Indonésie : une salle surchauffée remplie d’ordinateurs, deux mots dans un mail adressé à ma mère, bien arrivée ; les vacances peuvent commencer.
À trente-cinq ans à la découverte de mes origines, mes tantes et moi à Taormina, les pâtes aux poissons et le vin blanc ; les marches de la Rocca à Cefalù, la sieste sur la plage ; les catacombes des Capucins de Palerme, les petits enfants momifiés, leurs petits bonnets de dentelle, mes tantes blêmes d’effroi, mes rires ; voyage itinérant en famille.
À quarante-cinq ans à Hiroshima, autre voyage en solitaire, ma dernière cigarette fumée dans l’arrière-cour de l’hôtel, la distance des employés, l’extrémité de leurs cigarettes bleutée ; le lendemain matin au petit déjeuner, café, croissant et nouveau cahier ; l’excitation d’un nouveau départ, la première page griffonnée au feutre noir ; la date et le lieu : j’ai arrêté de fumer.
Et demain ?