© Marc Gantier
J’allais rejoindre un ami rue de Tolbiac. J’étais chiffon. J’avais passé trop de temps à flâner sur internet et les réseaux sociaux et lu trop d’articles sur la déliquescence du monde et des droits de l’homme. J’avais le bourdon.
J’ai enfourché mon vélo. De Miromesnil, c’était une belle balade. J’étais convaincue que la promenade aurait raison de ma mauvaise humeur, alors tout en pédalant, j’ai commencé à regarder les touristes converger vers les Champs-Elysées. Le sourire m’est revenu devant le Grand Palais. Une famille, habillée comme on se rend à la plage, riait de ne pas arriver à traverser. Et un peu plus loin sur la piste cyclable longeant la Seine, un groupe de jeunes hommes, fiers comme Artaban et casqués, glissait sur leur mono-roue électrique. J’ai pensé à des spermatozoïdes se rendant au combat — c’est quand même une drôle d’idée !
Il était encore tôt et au croisement des boulevards Raspail et Montparnasse, je me suis arrêtée à la terrasse de La Rotonde. Il y avait quelques habitués et les serveurs, détendus, s’arrêtaient pour papoter. Il faisait beau, la circulation était tranquille et Paris ressemblait à un parc d’attraction. Je gobais des olives et des noix de cajou tout en scannant mon entourage ; comme ce jeune homme, la beauté d’un Basquiat, qui avançait, un sac sur le dos, un peu perdu. Bientôt, je rejoindrais N. et nous aurions notre petite soirée du mois d’août en tête-à-tête. Nous irions dîner dans le quartier chinois, puis rue Mouffetard boire des bières. J’étais maintenant impatiente de le retrouver.
Alors j’ai repensé à tous ces articles que j’avais lus dans l’après-midi, à la décapitation d’un homosexuel en Turquie, au traitement des femmes victimes de viol au Brésil, à l’attentat dans un hôpital au Pakistan, mais cela ne me faisait plus souffrir. La vie était redevenue belle et tranquille, comme un mois d’août à Paris. Il y avait les amis, cette ville que j’aimais, et tous ces touristes que je croisais le matin sous les arcades des Tuileries et qui me faisaient tellement envie — j’aurais aimé découvrir Paris avec leurs yeux ; et puis il y avait le combat contre la violation des droits un peu partout dans le monde. Et je continuerai d’être ainsi, militante et légère, sérieuse et futile, mi-figue mi-raisin, pour mon plus grand bonheur, parce que « la vie, voyez-vous, ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit » (Maupassant).
commentaires
Merci Aurelia pour ce joli brin de vie et de Paris…;-))
Mi-fugue, mi-raison.
Où comment résister à cette envie de fuir ce monde qui a perdu la tête.
Mode résistance « on » ?
Quand je pense qu’autrefois je t’ai aidée à corriger ton premier rapport de stage : l’orthographe bien sur, et puis le plan aussi, mettre les choses à peu près dans l’ordre … l’élève d’alors a plus que dépassé sa conseillère, elle l’a carrément éparpillée façon puzzle ! Bravo.
Merci Aude !
La vie avant toute chose !